Un témoignage poignant d'une utilisatrice de Mementop

Un témoignage poignant d'une utilisatrice de Mementop

Nous avons rencontré Mireille, 73 ans, utilisatrice de l'application Mementop depuis quelques mois, atteinte de la maladie d'Alzheimer. Mireille était accompagnée de son fils, Didier, médecin généraliste dans la région de Strasbourg. Leurs propos ont été recueillis par Isabelle Debeaulieu - responsable du service d'assistance aux utilisateurs du dispositif Mementop. Ils ont été relus et validés par nos deux interlocuteurs. Nous les remercions de tout cœur pour leur témoignage.

Isabelle Debeaulieu pour Mementop : Bonjour Mireille. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots à nos lecteurs ?

Mireille : Je suis une ancienne institutrice. J'ai eu une vie heureuse, quarante-deux ans passés auprès de mon mari, Charles, qui m'a quittée en 2015. Nous avons eu trois enfants et quatre petits-enfants. Je suis passionnée de littérature et de cinéma, surtout les années 60. J'habite en Alsace, un appartement avec un grand balcon, dans une résidence pour personnes âgées. Je vis seule depuis le décès de Charles.

Mementop, à Mireille : Comment avez-vous appris votre maladie ?

Mireille : C'est à cause de Didier, mon fils aîné, il est généraliste. Il m'a envoyée consulter un neurologue, juste avant le premier confinement. J'y ai passé une consultation mémoire et il m'a revue en juillet de la même année pour confirmer le diagnostic. Je n'avais pas l'impression d'être malade ni de souffrir de problèmes de mémoire mais mon fils insistait pour que je vois un spécialiste. Je me souviens avoir passé des heures sur internet, surtout la nuit, en quête d'informations à propos de cette maladie, ses symptômes et ses évolutions possibles. J'avais l'impression de ne pas être réellement concernée, que c'était une erreur de diagnostic ou que ça allait s'arranger après quelques semaines.

Mementop : Vous pensiez n'avoir aucun des symptômes connus de la maladie d'Alzheimer ?

Mireille : Je n'en sais rien. Je me disais que je vieillis, c'est tout. En vieillissant on perd tous peu à peu nos capacités cérébrales, non ?

Mementop, à Didier : Pouvez-vous nous dire ce qui vous a incité à envoyer votre mère chez un neurologue ?

Didier : Maman faisait preuve d'une certaine indifférence vis-à-vis de certaines difficultés rencontrées par ses enfants. Alice, ma sœur cadette, a fait une fausse-couche fin 2018 à 5 mois de grossesse et je me souviens qu'elle était très choquée par l'absence de réaction et d'empathie de maman. Sans être moi-même un expert des maladies neuro-évolutives, j'avais l'impression que notre mère éprouvait des difficultés grandissantes à assimiler des informations nouvelles pourtant simples, à les retenir durablement. D'autant que je garde d'elle le souvenir d'une personne vive, à la mémoire infaillible. Il y eut aussi un épisode épique fin 2019, lorsque nous avons offert à maman un nouveau téléviseur pour son anniversaire... j'ai dû gribouiller au moins 5 post-it pour l'aider à l'utiliser correctement. Ce sont là des signes qui alertent un professionnel de santé.

Mementop : Comment votre famille a-t-elle réagi à l'annonce du diagnostic ?

Didier : Ce fut très dur, et pour toute la famille. Nous avons choisi au départ avec mon frère de ne rien dire à Alice. D'autant que nous sortions du premier confinement au cours duquel nous n'avons pas pu rendre visite à maman. Mais on ne peut cacher une telle maladie très longtemps. Ses effets deviennent sensibles avec le temps. Comme je suis médecin, mon frère m'a imaginé expert de la maladie d'Alzheimer et m'a bombardé de questions. Mais je ne suis pas neurologue et j'ai dû me renseigner, apprendre à connaître la maladie et à identifier, voire à anticiper, les difficultés vécues par maman. Le premier confinement a considérablement aggravé ses symptômes et, à partir de septembre 2020, nous avons mis en place une organisation et une logistique très précises autour de maman, pour l'accompagner au quotidien et aussi pour nous protéger un peu. Nous avons contacté le bureau local de l'association France Alzheimer et convaincu maman de participer à des ateliers de stimulation. Et puis le second confinement est arrivé et notre belle organisation a encore une fois été bouleversée.

Mementop : Et depuis la fin du second confinement, comment vous organisez-vous en famille ?

Didier : Les effets de la maladie sont de plus en plus évidents. Mais nous avons la chance d'être quatre autour de notre mère : ses trois enfants et son ami le plus proche, Robert, lui aussi ancien instituteur. À quatre, c'est tout d'abord une question d'organisation. Alice s'occupe des courses, Bertrand, mon frère aîné, s'occupe de… toutes les formalités financières et administratives et, évidemment, je m'occupe du volet médical. Robert, l’ami de maman, passe en moyenne cinq heures par jour avec elle et à trois, nous nous organisons pour venir la voir au moins une fois tous les deux jours. Nous avons la chance d'habiter à proximité de la résidence pour séniors où elle a son petit appartement. Cette organisation devrait lui permettre de rester encore pas mal de temps à son domicile.

Mementop, à Mireille : Pouvez-vous nous parler des difficultés évoquées par Didier dans votre quotidien ?

Mireille : Mes enfants s'occupent très bien de moi et Robert vient souvent me voir. Mes petits-enfants m'oublient un peu mais c'est normal, ils sont jeunes et ont des tas de choses à faire. Il y a juste ma petite-fille Jeanne (NDLR : Mireille hésite puis se reprend), euh, non, c'est Amandine, qui vient parfois le mercredi et nous jouons aux cartes.

Mementop : Vous aimez jouer aux cartes ?

Mireille : Du temps de mon mari, on jouait beaucoup à la belote ou au rami.

Didier intervient : Mes enfants ont 9 et 12 ans, ceux de mon frère 13 et 14. C'est difficile pour eux de préserver un lien fort avec une personne qui souffre de troubles neurologiques comme leur grand-mère. Au téléphone, ils n'ont pas grand-chose à lui raconter et lorsqu'il m'accompagnent chez elle, c'est pire. Maman ne semble pas les écouter… souvent, elle les interrompt sans raison particulière.

Mireille reprend : Ils sont tout le temps avec leur téléphone, c'est pénible à la fin !

Mementop, à Mireille : Vous n'utilisez pas de téléphone portable ?

Mireille : Avant Mementop, si, mais juste pour téléphoner et prendre des photos. Depuis que mon fils me l'a installée (NDLR : en parlant de l'application Mementop), j'utilise mon iPhone pour pas mal de choses.

Mementop, à Didier : Comment avez-vous eu connaissance du dispositif Mementop ?

Didier : Par hasard, en discutant avec une connaissance qui aide sa mère, elle aussi atteinte de la maladie d'Alzheimer. C'est rassurant de discuter avec d'autres familles concernées par ce problème. La personne en question avait participé à une phase de test de l'application et elle m'en a parlé en termes positifs. Je suis allé voir votre site web et j'ai décidé de tenter d'installer Mementop sur mon smartphone. Mais en tant qu'aidant, je ne pouvais quasiment rien faire, vous devrez d'ailleurs améliorer ça à mon avis. J'ai pris le téléphone de maman pour lui installer l'application et j'ai fait des tests. J'ai invité Florian, mon fils aîné, à nous rejoindre sur le Mementop de sa grand-mère. Et puis, après une bonne semaine de test, j'en ai parlé à maman. Votre livret d'accueil est bien fait et, par sa forte culture de l'écrit, maman a aimé le lire. Les activités quotidiennes qu'on y trouvent sont simples à réaliser, même si certains mécanismes n'ont pas été évidents à mémoriser par une personne comme maman.

Mementop, à Mireille : Pouvez-vous nous dire ce que vous utilisez dans l'application Mementop ?

Mireille : Didier a enregistré des mémos dans l'application, notamment pour m'aider à utiliser ma TV dont la télécommande est compliquée, et aussi pour que j'ai toujours avec moi les horaires de mes émissions préférées… Avec l’agenda, je sais quand Robert ou mes enfants vont venir me voir et je peux leur demander d'apporter quelque chose, le cas échéant.

Didier intervient : On a convaincu Robert de s'y mettre aussi et on crée des événements partagés dans son agenda via l'application. Maman ne crée pas elle-même d'événements mais elle dialogue volontiers avec nous via Mementop. Les mémos constituent un outil salutaire. Elle peut y stocker et retrouver facilement les codes et les mots de passe qu'elle ne cesse d'oublier. Florian et Amandine, mes enfants, postent souvent des photos dans son album de souvenirs. C'est pour eux une manière douce de préserver un lien avec leur grand-mère.

Mementop, à Mireille : Vous aimez recevoir de nouvelles photos ?

Mireille : Beaucoup. Même si je ne comprends pas toujours les textes associés (NDLR : dans l’application Mementop, une légende et un lieu peuvent être saisis à propos de chaque image). Je les regarde et mon fils m'en imprime même certaines.

Didier reprend : C’est certain, l’application nous rassure. C'est un outil simple et efficace, comme une sorte de carnet de liaison. Évidemment, maman oublie parfois de recharger son smartphone ou de le rallumer lorsqu'il s'éteint pour cause de batterie à plat. Nous devons y prendre garde !

Mementop, à Mireille : Jouez-vous avec les jeux de l'application Mementop ?

Mireille : Au Boggle seulement (NDLR : jeu de lettre rebaptisé Mot à Mot dans l’application). J'aime bien prendre le temps de trouver tous les mots. Mais c'est difficile parfois et le jeu ne m'aide pas assez.

Mementop, à Didier : Qu'aimeriez-vous trouver de plus dans l'application Mementop ?

Didier : Un outil pour gérer des listes de courses. Ce serait vraiment pratique d'avoir ça directement dans l'application. Et aussi de nouveaux jeux, de lettres si possible. Je sais que des recherches ont été menées au Canada à propos de jeux numériques stimulants pour la mémoire. Ce serait bien d'en intégrer certains dans l'application, avec des modes d'emploi simples et pas trop de gestes savants à réaliser par le joueur.

Mementop : Pensez-vous que l'application Mementop contribue à préserver l'autonomie de votre mère ?

Didier : C'est difficile à dire. J'ai envie de répondre "oui", parce que l'application a trouvé sa place au sein de notre famille, dans laquelle je compte Robert bien sûr. Mais je redoute les évolutions de la maladie. Maman est encore relativement autonome et elle s'est bien habituée à utiliser Mementop. Même si elle oublie de recharger son téléphone ou si elle le pose un peu n'importe où. Je me demande si vous ne devriez pas utiliser la télévision pour afficher des messages ou les étapes successives d'un mémo. La télévision est toujours branchée et au même endroit. Chez ma mère, elle est quasiment toujours allumée.

Mementop, à Mireille : Avez-vous des idées d'évolutions pour l'application Mementop ?

Mireille : Je voudrais pouvoir jouer avec mes petits-enfants à de nouveaux jeux de lettres. Et je voudrais qu'elle les encourage à venir me voir plus souvent.

Mementop, à Didier : Connaissez-vous la Gazette Mementop ?

Didier : Oui, on envisage d'y abonner ma mère à partir de septembre. Au début, nous en avons parlé entre nous, ses aidants, et on s'est dit que nous allions déjà voir si l'application sur smartphone était intéressante pour maman, avant de lui proposer la Gazette. À présent, c'est souhaitable en effet. D'autant que la Gazette colle parfaitement avec son goût pour la lecture et le papier.

Mementop : Avez-vous contacté le service d'assistance aux utilisateurs depuis que vous utilisez l’application Mementop ? 

Didier : Robert et moi, oui. À plusieurs reprises. Notamment pour comprendre comment stocker dans l'application des informations confidentielles, comme le code de la carte bancaire de ma mère. On nous a proposé de nous faire parvenir le livret d'accueil et depuis nous l'utilisons régulièrement. L'accueil des personnes en charge de ce service est remarquable. Ça nous change des robots sur lesquels on tombe lorsqu'on appelle un opérateur de téléphonie...

Propos recueillis le 21 juillet 2021 par Isabelle Debeaulieu. Publication avec l’autorisation explicite des personnes interviewées.

L’équipe Mementop