La peinture est-elle un antidote ?

La peinture est-elle un antidote ?

Peinture et maladie d'Alzheimer : étonnante révélation

Quels effets la maladie a-t-elle sur la création artistique ? En quoi peut-elle bouleverser l'interprétation que l'artiste nous offre du monde ? Si la peinture est un reflet de l'âme, en quoi les toiles produites par un peintre malade sont-elles différentes des autres œuvres ?

Une équipe de chercheurs à l'université de Liverpool s'est intéressée à ce sujet. Elle a publié les fruits de ses travaux dans la revue Neuropsychology. Ces chercheurs ont passé au crible plus de 2000 toiles, peintes par Salvador Dali ou Norval Morrisseau - tous deux atteints de la maladie de Parkinson -, par James Brooks ou Willem De Kooning - souffrant de la maladie d'Alzheimer - ou encore par Marc Chagall, Pablo Picasso ou Claude Monet - ne souffrant d'aucune pathologie neurologique connue. Chaque trait de pinceau a fait l'objet d'une analyse approfondie, à l'aide de techniques de pointe inspirées notamment des fractales, afin d'identifier des caractéristiques géométriques propres à chaque artiste. De manière surprenante, ces recherches ont permis de détecter les signes précurseurs d'un trouble neuro-évolutif dans les toiles des artistes concernés.

La tragédie de la vie est que nous devenons vieux trop tôt et sages trop tard.

Cette maxime, attribuée à Benjamin Franklin, illustre la complexité du rapport existant entre vieillissement et sagesse, dont on trouve des illustrations concrètes dans certaines des œuvres étudiées par les chercheurs. Pour autant, la survenue d'une maladie neuro-évolutive peut-elle devenir source d'inspiration ? Parvient-elle à exacerber la créativité de l'artiste ? Selon les chercheurs de l'université de Liverpool, le développement d'une telle maladie affecte en profondeur certaines habitudes des peintres étudiées. Parce qu'elle modifie leur perception du monde, elle exerce une influence sensible sur leurs manières de peindre, au point de bouleverser certaines orientations, habitudes et préférences. Elle contribue au développement de sentiments souvent douloureux et de représentation brutes du réel.

Lorsque l'artiste américain William Utermohlen apprend en 1995 qu’il est atteint de la maladie d’Alzheimer, il décide de faire chaque année son autoportrait. Il nous livre ainsi un témoignage bouleversant, qui illustre crûment l'évolution de la maladie, jusqu'au passage du peintre dans un autre monde. Petit à petit, les détails du visage s'effacent, comme si la distorsion de la réalité modifiait les perspectives et déformait le réel. Et si les toiles se rapprochent au fil des ans de la peinture abstraite, les troubles cognitifs de l'artiste n'éliminent pas l'expression de sa créativité.

L'art éclaire nos lanternes, titrait le journal Le Monde, à propos d'une toile du Caravage présentée à la National Gallery de Dublin : L'arrestation du Christ. Les artistes-peintres atteints de la maladie d'Alzheimer semblent bien nous éclairer malgré eux sur la nature de leurs troubles cognitifs.