Leçon du confinement : lutter contre l'isolement des séniors

Leçon du confinement : lutter contre l'isolement des séniors

La crise sanitaire mondiale liée à la pandémie de Covid19 illustre à quel point il est indispensable d'accompagner les personnes âgées au quotidien afin de leur permettre de préserver leur autonomie le plus longtemps possible et de lutter contre leur isolement.

Autonomie : nom féminin
Capacité de quelqu'un à être autonome, à ne pas être dépendant d'autrui.
Définition du LARROUSSE

Le 16 juillet 2020, Jérôme Guedj a remis un rapport à Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé, contenant 36 propositions et pistes pour une politique pérenne de lutte contre l’isolement des personnes âgées.

Au sein de Mementop, nous avons lu ce rapport avec attention et vous en proposons quelques extraits choisis

Le confinement a eu, pour certaines personnes âgées, des conséquences psychiques et physiques sensibles : dénutrition, perte de mobilité et d’autonomie, dépression et syndromes de glissement. La mobilisation a été massive et salutaire au cours du confinement, à l'échelle nationale :

  • Celle des familles et des proches aidants, qui ont intensifié leur présence auprès des séniors
  • Celle des professionnels du soin et de l’accompagnement, à domicile ou en établissement, qui ont poursuivi leur travail du “prendre soin” avec force et conviction
  • Celle des élus et les services municipaux, en première ligne eux aussi, dans la réponse aux enjeux de l’isolement
  • Celle des citoyens et des associations : livraison solidaire de courses, produits d’entretien et de médicaments, mobilisation des équipes citoyennes, envoi de lettres par des collectifs improvisés de jeunes citoyens à des résidents en Ehpad, concerts d’enfants virtuels...

Cette mobilisation a évité la réitération de drames humains massifs tel qu’on les avait connus en 2003 au cours de l'épisode historique de canicule. Si une vie presque normale a repris son cours jusqu'au second confinement pour un grand nombre d’entre nous, plusieurs millions de personnes fragiles restent toutefois auto-confinées chez elles dans des conditions souvent douloureuses : à l’isolement s’ajoute une précarité socio-économique renforcée, de fréquentes ruptures de soin et un épuisement notable des proches aidants. L’isolement pourtant n’est pas une fatalité, et une inclusion transversale et globale continue des personnes âgées dans l’ensemble de nos actions doit permettre d’éviter autant que possible cette douloureuse réalité.

Réfléchir constamment à son action à travers un œil de vieux, à travers un œil de personne fragile, c’est favoriser la pleine participation des plus âgés d’entre nous à la vie de la cité, et donc éviter autant que possible leur exclusion et leur isolement.

Partir du vécu, des souhaits et attentes des personnes âgées

Lutter contre l’isolement des personnes âgées, c’est en premier lieu partir de leur vécu, de leurs souhaits et de leurs attentes. C'est favoriser une citoyenneté éclairée, ancrée dans la co-construction des politiques publiques et dans les principes de la démocratie sanitaire. C’est aussi agir sur leur environnement, en soutenant les fers de lance de cette mobilisation : professionnels du grand-âge, proches aidants, citoyens et associations, et élus locaux. C’est enfin réformer la gouvernance, afin de rendre fluide et participative cette dynamique afin qu’elle cesse d’être un supplément d’âme de nos politiques publiques.

Bien qu’au cœur des préoccupations de chacun, les personnes âgées elles-mêmes n’ont été que peu entendues et visibles pendant la crise. Une politique pérenne de lutte contre l’isolement doit s’inscrire dans une logique participative, pour que les souhaits et envies, mais aussi l’expertise des personnes soient pris en compte. Lutter contre l’isolement des personnes âgées, c’est donc penser leur pleine participation à la vie collective.

Les vieux s'intéressent à d'autres sujets que la retraite et la santé.

Si les personnes âgées se sentent isolées, c’est aussi parce qu’elles sont bien souvent sujettes à des représentations stéréotypées, réductrices et discriminantes, et qu’elles sont peu visibles dans les médias. Il s’agit ainsi de promouvoir des représentations positives du vieillissement dans toute sa diversité, s’inscrivant dans le vécu des personnes aînés, qui ne viennent pas nier les difficultés inhérentes à l’avancée en âge et les vulnérabilités qui susceptibles de l’accompagner, mais qui les inscrivent dans une approche capacitaire de la personne.

Favoriser les solutions alternatives qui répondent aux envies et besoins des personnes âgées : développer les habitats inclusifs

Les solutions nouvelles pour mieux accompagner les personnes âgées doivent prendre appui là aussi sur les attentes et les besoins de celles-ci. Les conditions d’habitat sont un déterminant du risque d’isolement. La mission encourage la multiplication des formes d’habitats conciliant la volonté des français de vieillir “chez soi” avec la présence de services adaptés et le projet d’une vie collective. Ces initiatives qui essaiment déjà partout sur le territoire ont le potentiel d’être de forts leviers de lutte contre l’isolement des personnes et de prévention de la perte d’autonomie car au cœur de leur projet réside la pleine participation des personnes à la vie quotidienne, collective et locale. La gestion libre du rythme de vie, la participation aux décisions de la vie collective, et l’ouverture sur l’environnement local sont autant d’attentes exprimées par les Français auxquelles cette forme d’habitat répond.

Favoriser l’inclusion numérique​

​D’après le rapport des Petits Frères des Pauvres publié en juin 2020, 61% des internautes de 60 ans et plus utilisent Internet pour maintenir des liens avec leurs proches, et, parmi ces internautes et ils ont été 59% à passer des appels visioconférence avec leurs proches pendant le confinement. Si les outils numériques ont achevé de prouver leur utilité dans le maintien du lien social, il apparaît cependant qu’un quart des Français de 60 ans et plus n’utilisent jamais Internet ; cette exclusion numérique frappe particulièrement les plus de 85 ans et les plus modestes. Au-delà de l’âge et du niveau de revenus, ce sont bien souvent le manque de maîtrise et le manque d’intérêt qui contribuent à cette exclusion numérique. Au-delà de la poursuite de la mise en oeuvre du Plan national pour un numérique inclusif porté par le Secrétariat d’Etat au Numérique, qui met notamment l’accent sur la formation des travailleurs sociaux, l’accompagnement des aidants numériques et la structuration dans les territoires de lieux de médiation numérique, et du développement progressif d’ici à 2022 de France Services, où un accompagnement spécifique est porté sur les personnes éloignées du numériques, il s’agit de porter un volet spécifique de lutte contre l'illectronnisme des personnes âgées, qui mette l’accent sur la découverte et la sensibilisation à l’utilisation d’outils numériques et d’Internet, et sur le développement de parcours adaptés de formation en petits effectifs et avec des médiateurs numériques formés. ll s’agira de mobiliser pour ce faire les collectivités territoriales, les associations locales et nationales, les acteurs de la médiation numérique et du travail social et les acteurs de la silver économie.

Accompagner les aidants

8 à 11 millions de Français aident au quotidien un proche en perte d’autonomie pour des raisons liées à l’âge, à un handicap, à une maladie chronique ou invalidante. Les difficultés matérielles, psycho-sociales comme financières que connaissent ces proches aidants sont connues, et ont été récemment reconnues par la puissance publique, à travers la stratégie de mobilisation et de soutien en faveur des aidants présentée par le gouvernement à l’automne 2019. Le confinement a toutefois largement exacerbé nombre de ces difficultés, et a témoigné du manque de services adaptés et de solutions de répit, ainsi que de l’isolement et du sévère épuisement dont souffrent ces personnes.

Garantir l’inclusion numérique des personnes âgées en établissement

En réponse aux mesures de confinement dans les établissements, nombre d’acteurs publics, privés et associatifs se sont mobilisés pendant la crise pour aider à équiper les établissements d’outils numériques, permettant aux résidents de maintenir un lien avec leurs proches durant cette période d’isolement forcé. Les prêts et les dons de tablettes numériques aux Ehpad et pour le domicile, notamment à l’initiative de collectivités territoriales et d’acteurs économiques, ont révélé la grande capacité des acteurs d’un territoire à se mobiliser auprès des personnes fragilisées, mais aussi le manque d’outils et parfois de capacité de connexion de certains établissements, et la nécessaire acculturation numérique des établissements. Il convient aujourd’hui de déployer un large plan de couverture numérique des Ehpad afin d’équiper l’ensemble des établissements des capacités de connexion et des outils numériques suffisants pour donner la possibilité aux résidents de maintenir un lien constant et régulier avec l’extérieur.

​Permettre que toute personne, quelque soit son lieu de vie, puisse maintenir le lien avec ses proches, surtout en situation de crise, apparaît comme une évidence. Pourtant, certaines zones demeurent exclues des territoires couverts par les opérateurs, ce qui a pour conséquence directe d’aggraver l’isolement des personnes. Il s’agira d’identifier les structures d’hébergements présentes dans ces zones blanches et de les équiper en priorité d’une connexionInternet en envisageant un raccordement par la fibre ou par satellite. Ces efforts doivent également s’inscrire dans le déploiement attendu du New Deal mobile et du très haut débit en France.

Financer un plan d’aide à l’équipement numérique des établissements et faire des outils de communication avec les proches un des piliers du socle technologique des établissements​

Durant la crise un effort exceptionnel de la part de collectivités, d’entreprises, de fondations (comme la Fondation Boulanger), et d’associations a permis l’équipement temporaire et parfois pérenne en outils numérique des établissements. Les résultats de cet effort sont exceptionnels et démontrent que rien n'oppose les technologies numériques et les personnes âgées.