Marcel : "on veut visiter la citta bianca"

Marcel : "on veut visiter la citta bianca"

Marcel semble tout droit sorti d'une série télé sud-américaine avec sa chemise blanche impeccable et son élégant chapeau vissé au sommet de sa tête. Il n'est pas du genre à renoncer à son autonomie... et c'est tant mieux ! Touché par la maladie d'Alzheimer depuis quelques mois, il prend le taureau par les cornes et fait tout ce qu'il faut pour préserver sa liberté et sa dignité. En juin dernier, il a découvert le dispositif Mementop et l'application est depuis devenu sa "mémoire de secours". Notre équipe est allée à sa rencontre dans son petit village du sud ouest de la France.

Je m'appelle Marcel et j'aurai 75 ans en septembre. Je suis un ancien ouvrier de chez Renault. J'ai travaillé à la chaîne pendant 15 ans. J'ai terminé comme chef d'équipe et mes gars ne se sont jamais plaints de leur travail avec moi. Depuis que je suis en retraite, je profite de la vie malgré mon mal de dos. C'est dur d'apprendre qu'on est malade en étant encore jeune. On prend un sacré coup sur la tête. Mais j'ai la chance d'avoir mes enfants, Madeleine ma compagne et Séverine, mon aide à domicile favorite. Avec Madeleine on ne s'est jamais mariés mais on est bien ensemble. J'ai connu des jours difficiles dans ma vie, surtout au début, dans les années 70. C'est pas étonnant que ma tête me lâche un peu avec ce que j'ai fait : les cadences de la chaîne, les nuits courtes à cause des quarts, la maladie de mon père et les soucis avec les gosses. Mais c'est pas une raison pour laisser tomber, je suis un gars solide. Et puis, on a des projets avec Madeleine. On veut aller voir les Pouilles en Italie, surtout Ostuni, la ville blanche. C'est mon père qui en parlait quand j'étais marmot. Il était rital, originaire de là-bas et ça me faisait rêver quand il racontait comment il avait rencontré ma mère à la citta bianca. On n'avait pas le droit de parler italien à la maison, il avait la galoche facile, même avec sa femme quand il la surprenait à nous chanter des trucs en patois. Moi et ma sœur, on filait droit, croyez-moi ! Avec Madeleine, on a décidé de continuer à vivre comme avant, ou presque. C'est elle qui a découvert Mementop. Elle me l'a installée sur mon téléphone (NDLR : l'application Mementop). Et puis, nos enfants l'utilisent pour nous envoyer des photos et des messages. On a davantage de nouvelles, c'est agréable. Et à chaque fois que je veux être sûr de ne pas oublier un truc, je fais un mémo. Ce machin (NDLR : Marcel brandit son téléphone), c'est devenu ma mémoire de secours. Si t'oublies pas de le brancher, il est toujours d'accord pour te renseigner. Les jeux, bon, c'est pas trop pour moi. J'ai jamais eu la patience de Madeleine avec ses mots croisés. Moi j'aime marcher, voir les oiseaux dans les arbres. Alors je les prends en photo directement dans l'application et mes enfants peuvent en profiter. Avant, j'aimais les voitures, c'était du temps où on pouvait comprendre. Aujourd'hui, même pour changer la batterie, il faut un ordinateur. J'aime bien Mementop parce que ça m'aide, et en plus ça me permet de dire à tout le monde que je continue à vivre, en partageant ce que je fais et où je suis. C'est comme un magnétophone, mais en plus intelligent."

La citta bianca, évoquée par Marcel